Pratiques créatives collectives pour la transformation : premiers enseignements

2022.12.08

Juliette Grossmann, Daniel Kaplan, Chloé Luchs-Tassé, Plurality University Network.

Une version de ce texte est accessible sous la forme d’un Google Doc, pour recevoir vos commentaires.

Si nous avons besoin de “nouveaux récits” pour changer le monde, en particulier face au dérèglement climatique, y a-t-il cependant des conditions pour que ces récits jouent effectivement un rôle dans la transformation du réel ?

En 2020 et 2021, dans le cadre du projet Narratopias, nous avons collecté plus de 250 récits tournés vers la transformation écologique et sociale de nos sociétés. En chemin, cependant, il nous est apparu que la force transformatrice d’un récit ne dépend pas tant de son contenu que de ses conditions d’émergence, ainsi que de réception. Qui le produit ? Dans quel but ? Avec quelle méthode ? Avec qui le discuter, le commenter ? Peut-on s’y projeter, le continuer, le faire sien ?

Un récit ne peut jouer un rôle transformateur que s’il fait bouger des représentations collectives. Nous nous sommes donc lancés dans la recherche de projets collectifs qui mobilisent des formes issues de l’art, de la fiction et de la spéculation pour faire advenir des changements de représentation, et faciliter la transformation du réel. Certains projets s’intéressent avant tout à décaler le regard, à questionner les évidences. D’autres, à explorer des futurs radicalement différents ; à (re)créer du dialogue entre des groupes qui ne se parlent pas, ou plus ; à donner sens à une myriade d’actions concrètes mais apparemment décorrélées…

Ce projet nommé “Pratiques créatives collectives pour la transformation” s’est donné pour objectif de créer un dialogue entre celles et ceux qui, partout dans le monde, inventent et mettent en oeuvre ces pratiques collectives et créatives. En questionnant collectivement les méthodes et les formats, en tirant des leçons des échecs des unes et se nourrissant mutuellement des réussites des autres, nous espérons permettre à un champ de pratiques de se constituer et à ses praticien·ne·s de grandir ensemble.

Dans ce cadre, nous avons cherché à repérer le plus grand nombre possible de pratiques, réunies dans une bibliothèque partagée à laquelle chacun·e peut également continuer. Dans le cadre des “Agoras Narratopias”, nous avons découvert et fait (au moins partiellement) l’expérience de certaines de ces pratiques. Une série d’interviews nous a également permis de plonger dans d’autres projets. Les comptes-rendus des Agoras, les interviews et les articles sont accessibles en ligne. Ces publications participent à définir, problématiser et délimiter les contours d’un champ de pratiques collectives et créatives.

Un peu moins d’un an après le lancement de ce projet, qu’avons-nous appris ? Les trois articles qui suivent, issus d’échanges nourris au sein de l’équipe du Réseau Université de la Pluralité, ont pour objectif de partager des premiers enseignements, mais aussi nos interrogations et les sujets qu’il nous paraît important de creuser.

Dans un premier article, Daniel Kaplan s’interroge sur l’intention des projets que nous avons observés et en particulier, sur ce qu’il s’agit de transformer.

Dans le second article, “Politicrafting”, Juliette Grossmann s’intéresse à leur éthique et souligne la dimension profondément politique de ces pratiques, pas toujours facile à définir et à revendiquer.

Enfin, Chloé Luchs se concentre sur la notion de collectif : qu’est-ce qui réunit les personnes qui participent à ces pratiques ? Comment s’articule le désir de transformation des initiateurs et initiatrices de ces pratiques avec la réalité de leur réception ? Et aussi, que peut-on attendre de la “communauté de pratiques” que nous tentons de créer avec ce projet ?

Les enseignements que nous partageons au travers de ces articles sont provisoires et fragiles, aussi fragiles que la plupart des pratiques créatives collectives que nous avons identifiées. Nous espérons que ces articles vous donneront envie de les commenter et de les enrichir, afin que les pratiques d’imagination collective qu’ils décrivent et analysent deviennent toujours plus substantielles et plus répandues.

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